Interview We can be heroes !

Interview réalisée dans le cadre du projet We can be heroes, tour d’Europe à la rencontre des acteurs du changement : « La décroissance avec Vincent »

PEUX-TU TE PRÉSENTER ?

Je m’appelle Vincent Liegey, je suis ingénieur de formation, co-fondateur de Cargonomia et également co-auteur d’Un Projet de Décroissance (Utopia, 2013).

COMMENT AS-TU INTÉGRÉ LES RÉSEAUX ALTERMONDIALISTES ?

« Je sentais que quelque chose ne tournait pas rond dans notre économie. »

Au cours de mes études au début des années 2000, j’ai reçu une bourse et je suis parti 6 mois en Hongrie et 6 mois aux États-Unis. Une fois mon diplôme en poche, j’ai décidé de faire comme toi et voyager en Europe Centrale et Orientale. J’ai ensuite trouvé un travail à l’Ambassade de France. Je m’intéressais à l’époque à l’économie, à J.M.Keynes notamment via Bernard Marris. Altermondialiste, je me suis rapproché des réseaux hongrois, où les questions environnementales étaient plus présentes qu’en France. Puis j’ai découvert l’auteur Nicholas Georgescu-Roegen, et c’est ainsi que j’ai fait le lien entre la problématique environnementale et les questions de justice sociale, de limite physique de la croissance, etc. Je sentais que quelque chose ne tournait pas rond dans notre économie. c’est comme cela que j’ai mis un pied dans la décroissance. En rentrant en France, j’ai intégré le Parti Pour La Décroissance en 2008 et je suis devenu l’un de ses porte-paroles. J’ai participé de près ou de loin à différentes campagnes électorales, en France et puis en Hongrie avec la création du mouvement Une autre Politique est Possible (LMP) dans un contexte politique tendu avec l’arrivée de l’extrême-droite, la mise en place des politiques d’austérité et avant la prise de pouvoir d’Orban.

AS-TU VU UNE DIFFÉRENCE ENTRE LES MOUVEMENTS ALTERNATIFS DE PARIS ET DE BUDAPEST ?

Une vraie différence oui ! À Paris, nous organisions difficilement une réunion faute de lieu, nous comptions sur l’aide de mouvements comme Jeudi Noir pour avoir un espace. Les premiers ateliers autogérés de réparation de vélos se créaient dans des squats, mais c’était la galère et souvent éphémère. À Budapest, les lieux alternatifs ont émergé assez rapidement. En revenant vivre en 2011 à Budapest, je me rends compte que ce dont je rêve de fonder à Paris existe déjà en Hongrie. Ils ne le savent pas car la démarche n’est pas politisée, elle est intellectualisée d’une autre manière. Je découvre une créativité et une solidarité incroyables. Et surtout, pas de pression immobilière aussi forte qu’à Paris ce qui oblige les porteurs de projet à s’inscrire soit dans les logiques de marché pour dégager du chiffre soit à rester dans les milieux squats. Ici, un modèle économique alternatif est possible avec de la débrouille et l’économie de réciprocité en s’appuyant sur des projets développés localement.

« Ici, un modèle économique alternatif est possible avec de la débrouille et l’économie de réciprocité en s’appuyant sur des projets développés localement. »
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Face à l’effondrement, la décroissance !

Face à l’effondrement, la décroissance !

Vincent Liegey, essayiste et objecteur de croissance, nous explique pourquoi la décroissance peut être un moyen de concrétiser politiquement une transformation silencieuse de la société.

Au printemps 2016, le journal Politis publie un dossier sur la décroissance intitulé « Une révolution silencieuse ? »(1). En effet, la décroissance en France semble moins visible dans les débats politiques qu’il y a quelques années. Pourtant elle gagne du terrain dans les têtes, beaucoup de ses idées centrales s’imposent dans les débats, certes souvent déconnectées les unes des autres. Assisterait-on à une transformation silencieuse de la société ? Est-ce suffisant ? Cet article propose d’abord une mise en perspective des avancées culturelles et sociétales de certaines idées et thématiques portées par la décroissance. Ces avancées sont accompagnées de chocs, de prises de consciences sur l’effondrement : offrent t-elles un terrain toujours plus fertile à une transformation salvatrice et émancipatrice ? Dans un deuxième temps, il pose la question des risques de récupération et défis que rencontrent ces avancées : pourquoi une transformation culturelle est nécessaire mais non suffisante ? Enfin, la troisième partie, en guise de conclusion, propose des pistes de solutions s’appuyant sur ces avancées ou comment les concrétiser.
LA TRANSITION EST EN MARCHE ?
A. DES CHOCS, DES PRISES DE CONSCIENCE, DU MAL-ÊTRE : UN TERRAIN FERTILE ?

Nos sociétés sont traversées par des chocs et des catastrophes : phénomènes météorologiques exceptionnels toujours plus forts et plus fréquents (l’été 2018 a semble-t-il marqué les esprits de ce point de vue !), catastrophes industrielles, crises et instabilités économiques, chômage et montée des inégalités, plans d’austérité, terrorisme, « crise » des réfugiés et des migrants, chocs politiques, du Brexit à l’élection de Trump pour ne citer que ces deux exemples.

Cette situation qui inquiète et nous interpelle, offre de la légitimité à des idées plus radicales, pour le pire, avec la « stratégie du choc »(2) ou peut-être de manière salvatrice avec la « pédagogie des catastrophes »(3). Toutefois force est de constater qu’elle permet des questionnements et débats sur les fondements et limites de notre modèle de société basé sur le toujours plus.
B. COLLAPSOLOGIE ?

En parallèle, un consensus relativement large s’est installé dans nos sociétés quant aux enjeux écologiques : là où, il y a quelques années, le changement climatique ou encore la chute de la biodiversité étaient ignorés ou secondaires dans les débats, ils ne peuvent dorénavant plus être ni éludés ni rejetés.

Ainsi, en novembre 2017, Le Figaro titrait « Nous mettons en péril notre avenir » et Le Monde « Le cri d’alarme de quinze mille scientifiques sur l’état de la planète » suite au manifeste signé par 15 364 scientifiques de 184 pays, paru dans la revue BioScience(4). Cela est encore encore plus spectaculaire à la suite de la démission médiatique et politisée du ministre de la Transition écologique et solidaire du gouvernement Macron, Nicolas Hulot. Ce retrait a été suivi par un grand nombre de tribunes, appels, textes collectifs appelant à un sursaut politique, à un changement de paradigme.
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Cycling for alternative systems, the Cargonomia experiment in Budapest in Cooperative City Magazine

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In Budapest, a group of enthusiastic and passionate young people came together to mix their own ingredients, in the form of independent initiatives: an organic and biodynamic farm, Zsámboki Biokert Spaces; a community-based Do it Yourself (DiY) bike workshop, Cyclonomia Spaces; and a self-organised bike messenger and delivery company, Kantaa, with an intended ‘spill’ of ‘social consciousness’. The result is Cargonomia. They look for improving their community by promoting creative socio-environmental alternatives in an urban scenario, where resources and spaces are constantly contested by different actors.

By Isaac Guzman Estrada, in Cooperative City Magazine, April 10, 2018.

In simple words, Cargonomia is a logistic centre for local organic food sales and distribution by cargo bikes made by the organisation itself. The customers access the website, and order either a small or big vegetable box with the option of adding traditional home-made bread from Pipacs or organic wine produced by one of the farmers in Terra Hungarica. The customer has the option of picking it up in the designated locations or having it delivered. In the latter case, every Thursday, the bike messengers get ready to ride the cargo-bike and stock the vegetable boxes, which come from the Zsámboki Biokert, a local farm located 50km away from Budapest. The messengers can carry over 100kg with the cargo bike, the food delivery service reaches out to a radius of around 30kms in Budapest. Finally, the consumers get their fresh organic products locally produced for an affordable price – ranging between 10-12 EUR – and in that way they support the families that work on the farm and other local initiatives. (more…)

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