La capitale hongroise accueille un projet expérimental écologique et solidaire qui mêle arbres, fruits, baies et plantes aromatiques sur un terrain public.
Mi-forêt, mi-jardin. Ouvert à tous et comestible. Un lieu particulier est en train de germer à Budapest. Le XIVe arrondissement de la capitale hongroise s’est associé à un projet de recherche académique pour pousser un peu plus loin la logique de verdissement et d’agriculture urbaine. Une première pour une capitale européenne. L’expérience vise à installer un jardin-forêt où se mêlent plusieurs étages d’arbres, arbustes et plantes plus basses. Ce concept, plus répandu dans les zones tropicales, a été adapté en Europe par l’Anglais Robert Hart dans les années 70. Encore peu présents dans les projets de villes, les jardins-forêts sont des puits de biodiversité, de lien social, et une façon s’adapter au changement climatique. A Budapest, les premières plantations ont débuté en novembre 2018, avec le soutien de l’ONG décroissante Cargonomia. Petit à petit, le jardin-forêt s’étoffe. Les abeilles commencent à venir butiner.
Des espèces locales et pérennes
«Pour le moment nous en sommes à trois strates, chacune avec des fonctions écologiques différentes. Il y a plusieurs arbres fruitiers pour la partie comestible, d’autres sont utiles pour attirer les pollinisateurs, les oiseaux… Nous avons un pommier, un cognassier, un poirier et un mûrier blanc, un noisetier, deux sorbiers et plusieurs tilleuls. En dessous, il y a des baies et des plantes aromatiques», détaille Paloma de Linares, doctorante en architecture du paysage a l’Université Szent Istvan de Budapest et coordinatrice de ce projet d’agroforesterie urbaine. Le terrain, mis à disposition par l’arrondissement, a été artificiellement asséché il y a des années. Le défi est aussi de régénérer le sol pauvre et sableux. Toutes les espèces plantées sont locales, résistantes à la sécheresse et pérennes, c’est-à-dire qu’elles peuvent vivre plusieurs années sans avoir à les replanter. Des habitants de ce quartier résidentiel ont cependant demandé à introduire des légumes, qui sont des plantes annuelles. A terme, cet écosystème peut être autonome. Et pas besoin de produits chimiques. C’est le principe de la permaculture : l’ensemble est pensé pour mettre à profit les talents de chaque plante. Certaines sont meilleures pour aller puiser l’eau, aérer le sol ou chercher les minéraux boosteurs de croissance, d’autres perdent des feuilles et forment un tapis qui protège et enrichit la terre…
La «forêt climat» mise aussi sur le participatif. Le voisinage, inspiré par l’initiative, a fait don d’une partie des plantes, des agriculteurs apportent du fumier, l’école pour enfants malvoyants située à proximité vient régulièrement arroser. Paloma de Linares souhaite compléter avec des ateliers pour «expliquer l’intérêt de chaque plante dans l’écosystème et comment les associer. L’idée est d’avoir d’autres événements et projets éducatifs pour jardiner ensemble avec les habitants, avoir d’autres strates végétales, montrer qu’on peut se nourrir dans un espace ouvert, récréatif». Ce projet pilote pourrait par la suite faire des petits dans Budapest et ailleurs en Europe.
Article initialement publié dans Libération le 10 mai 2019