Face à l’effondrement, une forêt comestible et des jardins partagés naissent à Budapest

Pour lutter contre le tout-béton et fournir aux citadins une nourriture locale, des habitants de Budapest plantent des jardins-forêts comestibles. Verdir la ville, rendre les espaces publics aux habitants, préparer la cité au réchauffement climatique, nourrir les habitants localement, la Forêt-Climat répond aux nombreux enjeux urbains du XXIème siècle.

Créer une ville fertile

Quatre arbres, ça peut paraître peu. Et pourtant, plantés en novembre 2018 à Zugló, le 14ème arrondissement de Budapest, ces quatre arbres marquent le lancement d’une grande transformation écologique de la capitale hongroise. Après un an d’échanges avec des citoyen-ne-s, des élus locaux, des paysagistes, des ingénieurs, des ONG sur l’environnement, et des jardins communautaires : la première Forêt-Climat hongroise a commencé à prendre racine.

Par un dimanche matin froid d’automne, une vingtaine de personnes se sont rassemblées pour planter les premiers arbres du jardin-forêt comestible : un poirier, un mûrier, un cognassier et un pommier. Outils manuels, vélo-cargos pour transporter le matériel, fumier qui venait des fermiers locaux, le tout prêté par des particuliers ou des organismes publics et privés, la plantation a été le reflet de l’âme du projet : participatif, ouvert à tou-te-s, organique et auto-géré.

Pour sélectionner les arbres, Paloma De Linarés, doctorante en agriculture urbaine, s’est intéressée aux espèces rustiques et locales en fonction de leurs propriétés et de leur résistance à la pollution et au dérèglement climatique.

« Il fallait des plantes adaptées au contexte climatique changeant mais aussi au micro-climat de cet environnement urbain, donc des plantes résilientes à la pollution urbaine, à la sécheresse et au gel. Nous avons choisi les espèces en fonction de leurs apports. Certains comestibles ne retiennent pas les métaux lourds dus à la pollution de l’air dans les fruits et dans les feuilles, c’est pour cela que je conseille de privilégier la plantation de plantes pérennes (pouvant vivre plusieurs années) en ville, plutôt que des légumes et des annuelles (cycle de culture et de vie de quelques mois seulement) comme la salade ou le basilic car ce sont ces derniers qui absorbent le plus de pollution qui va ensuite se retrouver dans notre alimentation. Toutes les espèces sélectionnées sont 100% hongroises, et, pour cette parcelle, je voulais des comestibles qu’on peut récolter en automne car le projet est à côté d’une école. » Paloma De Linarés, co-fondatrice du projet

 

Mais le jardin-forêt n’a pas pour unique but de faire revivre l’image d’Epinal d’un écolier apportant une pomme en classe. Le terrain public qui accueille le projet est un milieu humide qui a été assez asséché. Les arbres vont donc restaurer les ressources du sol de ce milieu urbain. En mars, une première section va être complétée avec d’autres arbres et arbustes : des tilleuls (pour leur bois et feuilles riches en nutriments), un noisetier, des sorbiers (pour abriter les oiseaux, leur résistance aux pollutions urbaines, et la valeur du bois) et des baies comme des groseilles, des cassis, etc.

Un projet collectif pour faire respirer la ville

Les habitants du quartier se sont vite appropriés les arbres et le projet. Implanté dans un lieu communal ouvert au public à toute heure du jour et de la nuit, le but est qu’ils décident de lancer eux-mêmes un potager (ou des événements culturels) s’ils en ont envie, et s’occupent de l’entretien des arbres.

« Un maire écolo est à la tête de la municipalité de Zugló, il permettait déjà aux habitants de créer des jardins communautaires. Mais ces derniers sont souvent des initiatives précaires et temporaires, installés sur une friche avant qu’un immeuble se construise. De plus, on observe généralement un phénomène de gentrification où c’est une population plutôt bourgeoise qui va gérer ces jardins fermés par un enclos. Les gens des quartiers populaires qui n’ont pas cette culture se retrouvent alors exclus. La Forêt-Climat, en étant complètement accessible tout le temps, permet de créer du lien social, de se réapproprier les espaces, repenser les communs et faire ce qui fait de mieux en agroécologie, de l’agroforesterie, pour créer de la convivialité, du bien-être, de la joie de vivre. » Vincent Liegey, co-fondateur du projet et de Cargonomia

Jardin partagé à Budapest

Budapest est l’une des villes européennes ayant la plus forte pollution atmosphérique. Ce jardin-forêt comestible a donc intégré de manière assez naturelle « Cargonomia » dont l’objectif est de faire une ville sans voiture. Le site de Zugló était d’ailleurs un endroit un où les gens se garaient de façon illégale. La Forêt-Climat permet ainsi de remplacer les voitures par des espaces verts, et attire l’attention des urbanistes et des experts des Plans Climats comme outil de gestion des ressources et d’adaptation au changement climatique. Planter des arbres en ville permet en effet de lutter efficacement contre la canicule et refroidir les milieux urbains.

Crédit Photo : Dan Novac / Budapest

Pour que la Forêt-Climat transcende les changement politiques, elle a été imaginée en étroite collaboration avec les paysagistes, le chef-jardinier de la mairie, et tous les partis politiques locaux. Lancé dans un contexte hongrois social et politique tendu, « planter des arbres est une méthode douce de manifester » nous confie Paloma en souriant. « Vu de l’extérieur, la situation peut paraître inquiétante avec le gouvernement de Viktor Orbán, mais il n’y a aucune répression violente dans le quotidien à Budapest », confirme Vincent Liegey. Le but affirmé du projet est d’inspirer d’autres mairies et de façonner un nouveau visage urbain. Et ça marche déjà !

Un des bars emblématiques de Budapest, le Szimpla Kert, a recruté Paloma De Linarès comme consultante pour expérimenter l’agroforesterie dans la cour intérieure. Et deux autres terrains ont été mis à disposition : un particulier prête son verger dans les collines de Budapest, et une partie de l’équipe va mettre en place un projet de permaculture lié aux communs et à l’économie collaborative.

 

Article initialement publié sur La Relève et La Peste le 6 février 2019.

Face à l’effondrement, une forêt comestible et des jardins partagés naissent à Budapest

Pour lutter contre le tout-béton et fournir aux citadins une nourriture locale, des habitants de Budapest plantent des jardins-forêts comestibles. Verdir la ville, rendre les espaces publics aux habitants, préparer la cité au réchauffement climatique, nourrir les habitants localement, la Forêt-Climat répond aux nombreux enjeux urbains du XXIème siècle.

Créer une ville fertile

Quatre arbres, ça peut paraître peu. Et pourtant, plantés en novembre 2018 à Zugló, le 14ème arrondissement de Budapest, ces quatre arbres marquent le lancement d’une grande transformation écologique de la capitale hongroise. Après un an d’échanges avec des citoyen-ne-s, des élus locaux, des paysagistes, des ingénieurs, des ONG sur l’environnement, et des jardins communautaires : la première Forêt-Climat hongroise a commencé à prendre racine.

Par un dimanche matin froid d’automne, une vingtaine de personnes se sont rassemblées pour planter les premiers arbres du jardin-forêt comestible : un poirier, un mûrier, un cognassier et un pommier. Outils manuels, vélo-cargos pour transporter le matériel, fumier qui venait des fermiers locaux, le tout prêté par des particuliers ou des organismes publics et privés, la plantation a été le reflet de l’âme du projet : participatif, ouvert à tou-te-s, organique et auto-géré.

Pour sélectionner les arbres, Paloma De Linarés, doctorante en agriculture urbaine, s’est intéressée aux espèces rustiques et locales en fonction de leurs propriétés et de leur résistance à la pollution et au dérèglement climatique.

« Il fallait des plantes adaptées au contexte climatique changeant mais aussi au micro-climat de cet environnement urbain, donc des plantes résilientes à la pollution urbaine, à la sécheresse et au gel. Nous avons choisi les espèces en fonction de leurs apports. Certains comestibles ne retiennent pas les métaux lourds dus à la pollution de l’air dans les fruits et dans les feuilles, c’est pour cela que je conseille de privilégier la plantation de plantes pérennes (pouvant vivre plusieurs années) en ville, plutôt que des légumes et des annuelles (cycle de culture et de vie de quelques mois seulement) comme la salade ou le basilic car ce sont ces derniers qui absorbent le plus de pollution qui va ensuite se retrouver dans notre alimentation. Toutes les espèces sélectionnées sont 100% hongroises, et, pour cette parcelle, je voulais des comestibles qu’on peut récolter en automne car le projet est à côté d’une école. » Paloma De Linarés, co-fondatrice du projet

 

Mais le jardin-forêt n’a pas pour unique but de faire revivre l’image d’Epinal d’un écolier apportant une pomme en classe. Le terrain public qui accueille le projet est un milieu humide qui a été assez asséché. Les arbres vont donc restaurer les ressources du sol de ce milieu urbain. En mars, une première section va être complétée avec d’autres arbres et arbustes : des tilleuls (pour leur bois et feuilles riches en nutriments), un noisetier, des sorbiers (pour abriter les oiseaux, leur résistance aux pollutions urbaines, et la valeur du bois) et des baies comme des groseilles, des cassis, etc.

Un projet collectif pour faire respirer la ville

Les habitants du quartier se sont vite appropriés les arbres et le projet. Implanté dans un lieu communal ouvert au public à toute heure du jour et de la nuit, le but est qu’ils décident de lancer eux-mêmes un potager (ou des événements culturels) s’ils en ont envie, et s’occupent de l’entretien des arbres.

« Un maire écolo est à la tête de la municipalité de Zugló, il permettait déjà aux habitants de créer des jardins communautaires. Mais ces derniers sont souvent des initiatives précaires et temporaires, installés sur une friche avant qu’un immeuble se construise. De plus, on observe généralement un phénomène de gentrification où c’est une population plutôt bourgeoise qui va gérer ces jardins fermés par un enclos. Les gens des quartiers populaires qui n’ont pas cette culture se retrouvent alors exclus. La Forêt-Climat, en étant complètement accessible tout le temps, permet de créer du lien social, de se réapproprier les espaces, repenser les communs et faire ce qui fait de mieux en agroécologie, de l’agroforesterie, pour créer de la convivialité, du bien-être, de la joie de vivre. » Vincent Liegey, co-fondateur du projet et de Cargonomia

Jardin partagé à Budapest

Budapest est l’une des villes européennes ayant la plus forte pollution atmosphérique. Ce jardin-forêt comestible a donc intégré de manière assez naturelle « Cargonomia » dont l’objectif est de faire une ville sans voiture. Le site de Zugló était d’ailleurs un endroit un où les gens se garaient de façon illégale. La Forêt-Climat permet ainsi de remplacer les voitures par des espaces verts, et attire l’attention des urbanistes et des experts des Plans Climats comme outil de gestion des ressources et d’adaptation au changement climatique. Planter des arbres en ville permet en effet de lutter efficacement contre la canicule et refroidir les milieux urbains.

Crédit Photo : Dan Novac / Budapest

Pour que la Forêt-Climat transcende les changement politiques, elle a été imaginée en étroite collaboration avec les paysagistes, le chef-jardinier de la mairie, et tous les partis politiques locaux. Lancé dans un contexte hongrois social et politique tendu, « planter des arbres est une méthode douce de manifester » nous confie Paloma en souriant. « Vu de l’extérieur, la situation peut paraître inquiétante avec le gouvernement de Viktor Orbán, mais il n’y a aucune répression violente dans le quotidien à Budapest », confirme Vincent Liegey. Le but affirmé du projet est d’inspirer d’autres mairies et de façonner un nouveau visage urbain. Et ça marche déjà !

Un des bars emblématiques de Budapest, le Szimpla Kert, a recruté Paloma De Linarès comme consultante pour expérimenter l’agroforesterie dans la cour intérieure. Et deux autres terrains ont été mis à disposition : un particulier prête son verger dans les collines de Budapest, et une partie de l’équipe va mettre en place un projet de permaculture lié aux communs et à l’économie collaborative.

 

Article initialement publié sur La Relève et La Peste le 6 février 2019.